Le compositeur et musicien japonais Ryuichi Sakamoto, atteint de plusieurs cancers depuis une dizaine d’années, envisage comme imminente la fin de sa vie.
Il a récemment diffusé un concert préenregistré qu’il a qualifié de « peut-être mon dernier ». Entre deux séjours à l’hôpital, il continue de composer et d’enregistrer à son domicile, des morceaux qui prennent chacun l’allure d’ultime composition. C’est dans ces conditions que l’album « 12 » a été enregistré, chaque plage musicale ayant pour titre sa date d’enregistrement.
Disponible en numérique dans un premier temps, l’album fera l’objet d’une édition vinyle et CD dans les semaines qui viennent. Nous y voyons l’occasion de revenir sur le parcours éclectique de ce pionnier de la musique électronique japonaise.
En Europe, Ryuichi Sakamoto est surtout connu du grand public pour ses musiques de films et en particulier pour la B.O. de « Merry Christmas Mr. Lawrence » (« Furyo » en France), film dans lequel il incarne également le capitaine Yonoi, qui entretient une relation sentimentale ambigüe avec son prisonnier le major Jack Celliers (David Bowie).
Au Japon, au sein du trio de pop synthétique Yellow Magic Orchestra qu’il formait avec Haruomi Hosono et Yukihiro Takahashi (décédé en janvier 2023), Sakamoto est une star depuis la fin des années 1970. Essentiellement inspiré par les allemands de Kraftwerk et l’exotica de Martin Denny, le concept initial du groupe était pour le moins « méta », puisqu’il s’agissait pour des japonais d’appliquer le traitement synthétique allemand à une musique occidentale qui elle-même véhicule des clichés orientalistes issus du colonialisme. Le tout passé à la moulinette J-pop.
Sakamoto est ensuite passé par de multiples formes et de multiples milieux musicaux. Il a collaboré avec David Sylvian, a composé un opéra, des sonneries pour téléphone portable, les bandes originales de films hollywoodiens et de films d’auteur, et puis plusieurs dizaines d’albums en solo ou en duo avec l’avant-garde autrichienne (Christian Fennesz) et allemande (Alva Noto) pour des albums minimalistes où le piano donne la réplique aux drones, glitchs et autres bugs informatiques.
Sorti en 2017, l’album Async restera sans doute parmi les disques les plus marquants de la fin de carrière de l’artiste, synthétisant avec grâce la spiritualité et l’expérimentation qui le caractérise. A noter également la sortie d’un tribute dans lequel quelques-uns de ses partenaires de jeux lui rendent hommage en reprenant ses classiques.
Ryuichi Sakamoto fera sans doute partie de ces artistes qui, à l’instar de David Bowie et Leonard Cohen, se sont emparés dans leur œuvre, d’une mort imminente pour la transfigurer.